Comment apporter plus de flexibilité au système électrique ?
Dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 », RTE a testé tous les mix possibles : ce seuil de 50 % est incontournable, même en cas de relance du nucléaire.
Et c’est là le défi :
Comment garantir la sécurité d’approvisionnement de tous les Français en électricité, à tout moment et en tout point du territoire, en cas d’absence de vent, de manque d’eau dans les barrages, ou encore de nuage imprévu ?
Des « flexibilités » sont nécessaires pour adapter la production d’électricité à de tels aléas climatiques, qu’ils soient prolongés ou passagers, mais aussi pour équilibrer le système en fonction des variations de consommation ou stocker d’éventuels surplus de production.
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Flexibilités : de quoi parle-t-on ?
En 2022, l’électricité est majoritairement produite par des centrales pilotables (nucléaires ou thermiques fossiles).

L’absence de vent dans une région ou le manque d’eau dans un barrage hydroélectrique n’ont encore qu’un impact limité sur le fonctionnement du réseau. Grâce à la mutualisation des sources de production entre les territoires, mais aussi aux interconnexions avec les réseaux électriques des pays voisins, RTE peut gérer les flux de manière à avoir une répartition équilibrée du courant en circulation au niveau national.
Mais, à partir de 2030, quand le mix électrique intègrera davantage d’EnR, ce pilotage sera plus compliqué : les aléas météorologiques affecteront beaucoup plus de sites de production à la fois, ce qui engendrera des risques de tensions sur la gestion du système, à moins de disposer de davantage de solutions de flexibilités.
Certaines existent déjà mais prendront plus d’ampleur d’ici 2050, comme :
Les centrales thermiques
En 2020, des centrales au charbon ou au gaz naturel ont pu être réactivées ponctuellement, en hiver comme en été, pour combler des pics de consommation. Cela ne sera plus envisageable avec l’abandon des énergies fossiles. Des centrales nucléaires ou hydrauliques peuvent aussi jouer ce rôle. Mais, avec le développement des EnR, d’autres sites d’appoint devront être développés pour répondre aux risques accrus de tensions liés à la variabilité de ces énergies. Par exemple, d’autres centrales thermiques, fonctionnant au gaz décarboné (méthane de synthèse issu de la production d’hydrogène décarbonné, biométhane…).
Selon les scénarios envisagés (50 % à 100 % EnR), ces nouvelles centrales pourraient représenter une capacité installée de 0 à 29 GW en 2050.
Les interconnexions électriques européennes
Elles permettent de mutualiser les capacités de production, non plus à l’échelle nationale mais à l’échelle européenne. En 2020, la France a une capacité d’import/export d’électricité de 13 GW.
Cette capacité devrait monter à 39 GW en 2050, grâce à la construction de nouvelles liaisons, ce qui permettra à la fois d’acheter de l’électricité en cas de besoin et de vendre les surplus.
Peut-on éviter d’acheter de l’électricité à nos voisins européens ?
Les effacements de consommation
En cas de déficit brutal de production, RTE peut faire appel à certains de ses clients industriels, contractualisés à l’issue d’un appel d‘offres annuel, engagés à réduire exceptionnellement et temporairement leurs activités, donc leurs besoins en électricité. Les effacements de consommation participent également à d’autres mécanismes visant à permettre d’équilibrer le système électrique. En 2020, cette solution de flexibilité représente 45 % des réserves rapides et complémentaires, avec un volume global de près de 4 GW.
Dans ses scénarios, RTE table sur une capacité d’effacement de 13 à 17 GW en 2050.
Le stockage hydraulique
Via des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Ces installations réversibles permettent, aux heures creuses, d’utiliser de l’électricité pour pomper l’eau d’un bassin inférieur vers un bassin supérieur. La réserve d’eau ainsi constituée pourra être libérée pour produire de l’électricité en cas de besoin.
En 2020, les STEP représentent une puissance installée de 5 GW. En 2050, RTE table sur une capacité de 8 GW.

D’autres solutions, en cours de développement, visent à stocker les surplus d’électricité produite aux heures creuses, pour s’en servir lorsque le système en aura besoin:
- L’installation de batteries au pied des centrales photovoltaïques permettrait de stocker l’énergie produite en journée pour la restituer en soirée/matinée. Plus il y aura d’EnR dans le mix électrique, plus cette solution sera nécessaire. En 2050, elle pourrait donc représenter une capacité de 1 à 26 GW
- Le vehicule-to-grid, qui consiste à développer un système de pilotage de la recharge des véhicules électriques. Leurs batteries pourraient se remplir au cours de la journée, au moment où la production solaire est forte. Et, lorsqu’elles ne sont pas utilisées, constituer un réservoir « d’astreinte », capable de renvoyer de l’électricité dans le réseau si celui-ci en a besoin. Là encore, ce système sera surtout intéressant dans un scénario à forte part d’EnR.
- L’hydrogène, à condition d’être vert (ou décarboné), représente une autre promesse séduisante de stockage d’énergie : possibilité de le produire en masse à base d’électricité décarbonée, aux moments propices (creux de consommation, vents forts, etc.), puis de le stocker et de le transporter. Cette solution constitue principalement un substitut aux énergies fossiles pour des usages difficilement électrifiables : sidérurgie, transport de marchandises… ou encore combustible pour les centrales thermiques pilotables.
Doit-on développer toutes ces flexibilités ?
Pas forcément.
Les besoins de flexibilités augmentent avec la proportion d’EnR dans le mix électrique. Ainsi en 2050, ils devraient être :

Au-delà du volume nécessaire, il est important de retenir que toutes les solutions de flexibilités ne sont pas équivalentes en termes de service rendu. Ce sont leurs caractéristiques qui vont les orienter sur un besoin plutôt qu’un autre. Par exemple, les batteries, plus adaptées au stockage court d’électricité, sont plus pertinentes dans des scénarios à forte teneur en photovoltaïque.
Dans le scénario 100% EnR, les besoins sont tels que toutes les solutions de flexibilités doivent être mobilisées, y compris celles qui, comme les centrales thermiques à gaz vert ou les batteries ne sont pas nécessaires dans tous les scénarios. Pour les centrales thermiques, notamment, les coûts de construction et de maintenance d’un nouveau site de production qui ne fonctionnerait que quelques semaines par an ne seraient pas rentables, c’est pourquoi leur développement systématique n’apporterait pas de valeur pour le système.
