Un mix électrique aujourd’hui fortement décarbonné grâce au nucléaire
Pourrait-on à l’inverse s’affranchir totalement de l’atome ? Théoriquement, oui : trois des scénarios présentés par RTE reposent exclusivement sur les énergies renouvelables à horizon 2060. Ils se heurtent cependant à deux difficultés principales. La première est tout bonnement une question de vitesse d’installation des infrastructures. Sans nucléaire, la France devrait construire des éoliennes et des parcs solaires à un rythme supérieur à celui des pays européens les plus performants en la matière : l’Allemagne pour l’éolien terrestre et le solaire, le Royaume-Uni pour l’éolien en mer. Et il lui faudrait accomplir ces deux exploits en même temps. Tout cela est possible sur le papier, mais les défis associés sont immenses.
La seconde difficulté vient du fait que, pour assurer la sécurité d’approvisionnement dans un système à forte part en énergie renouvelable dont la production est variable, il y a un ensemble de conditions techniques qui doivent être remplies, et toutes en même temps. Prises indépendamment, les solutions fonctionnement déjà, mais il faut encore des efforts de recherche et développement pour les faire fonctionner ensemble et à l’échelle d’un pays grand comme la France.
Dans le monde, rares sont les États qui font le pari d’un scénario « 100 % énergies renouvelables » tout en prévoyant de produire toute l’énergie qu’ils consomment. La Norvège est l’une de ces rares exceptions, mais elle ne compte que 5 millions d’habitants et dispose d’un énorme parc hydroélectrique. Deux caractéristiques que l’on ne retrouve pas en France, forte d’une population de 67 millions d’habitants et où l’exploitation des barrages est déjà proche de son maximum.
Cela dit, d’autres incertitudes pèsent sur les scénarios qui prévoient une part de nucléaire, souligne RTE. Ils supposent en effet que l’on parvienne à la fois à maîtriser la technologie des petits réacteurs modulaires (les fameux SMR), à mettre en place les grandes centrales EPR de deuxième génération à un rythme soutenu, et cela en réussissant à prolonger la durée de vie des réacteurs actuels jusqu’à 60 ans et certains au-delà. Tout cela représente également un défi technologique et repose sur des prérequis indispensables en matière de sureté.
Le nucléaire moins cher que les énergies renouvelables
Chacun le sait : il n’y a pas toujours du vent et il n’y a moins encore de soleil. Mais cette évidence a des conséquences majeures. Il signifie en effet que, pour faire fonctionner un système qui repose en majorité sur des éoliennes et des panneaux solaires, des dispositifs complémentaires sont indispensables, les « flexibilités » : stockage hydraulique, batteries, centrales fonctionnant à l’hydrogène (ce qui suppose aussi de produire et d’acheminer cet hydrogène)… Un système dans lequel la part du nucléaire reste importante, lui, est moins confronté à ce type de dépenses.
L’atome dispose d’une autre spécificité vis-à-vis des énergies renouvelables. Les centrales sont concentrées en quelques points du territoire qui disposent déjà, en grande partie, d’infrastructures de réseaux de transport d’électricité. Les éoliennes et les panneaux solaires, eux, devront être installés de manière plus diffuse et nécessiteront la création de réseaux de transport et de distribution, qui n’existe pas aujourd’hui.
C’est pourquoi, tout compte fait, les scénarios qui reposent sur une relance du nucléaire s’avèrent, dans la plupart des configurations testées, moins coûteux que ceux qui reposent, à terme, exclusivement sur les énergies renouvelables. Et ce bien que l’ensemble des coûts de la filière nucléaire (de la construction au démantèlement) aient été pris en compte et ce, de manière prudente, en particulier ce que l’on appelle « l’aval du cycle » : le traitement et stockage des déchets nucléaires.